11 novembre 2008

Felix

Cet été, une de mes tantes m'a demandé de retrouver ,dans la maison de ma grand-mère, des vieux papiers qu'elle pensait égarés dans un recoin de grenier.
La veille de mon départ je mets la main sur le vieux carton où était indiqué - bien commodément- "vieux papiers"...
Je n'ai eu que peu de temps pour explorer le trésor, aussi , à mon récent séjour, ma tante m'a confié le carton...


Je connaissais bien sûr, la triste, malheureusement banale, histoire de Felix.
Felix n'a pas profité longtemps de son joyeux prénom.
Il avait 20 ans quand, avec tant d'autres, il est allé se faire tuer à la guerre. "La grande" comme on dit.
Sa petite soeur, ma grand-mère, n'avait que 4 ans lorsqu'il a "disparu".
Alors elle ne pouvait que me raconter deux ou trois souvenirs qu'on lui avait transmis. Combien il avait été heureux, lui, un grand adolescent, pour l'arrivée de cette petite soeur, bien tard après un autre garçon, Marcel, et une fille, Lucienne. Il avait même tenu à la faire danser, la petite Paulette, elle, tout bébé, à la fête du village.
Ma grand-mère m'avait aussi parlé des quelques cartes postales envoyées alors qu'il attendait de partir pour le front.

Je les ai retrouvées.

"Chères Soeurs, Je vous écris pour vous dire que je suis bien portant et je crois qu'il en soit de même pour vous. Je pense que toi Lucienne tu dois aider a Marcel et que tu ne dois pas faire bisquer Maman. Et ma petite Paulette je pense qu'elle doit se faire sage qu'elle doit toujours aller à l'école Je pense que toi aussi tu ne dois pas faire bisquer maman. En attendant de vous embrasser votre frère qui vous embrasse de loin toutes les deux. Félix"


"Chers Parents, Suis en bonne santé , souhaite de même pour vous. Je ne sais pas quand nous partirons mais le 27 a demandé 700 hommes de renforts qui doivent partir bientôt et d'après ce qu'on dit que nous attendons ce convoi pour faire route ensemble mais tout ça n'est pas sûr. Toujours que nous sommes toujours à Menton. Fais pas plus long. Votre fils qui vous embrasse tous. Felix"


"Chères soeurs, Je vous écris encore ces quelques lignes pour vous dire que nous ne sommes pas partis car nous avions sac au dos prêt à partir et il est arrivé un cycliste et nous partons mercredi matin. Je t'envoie la vue des casernes où j'étais et tu la conserveras Je te ferai voir où j'étais logé. Tu la feras voir à Paulette. Votre frère qui vous embrasse ainsi que toute la famille. Felix "

Datées de fin 1916. Felix n'a pas dû pouvoir en écrire du front. Il est mort le 17 avril 1917 à Beauvrieux dans l'Aisne. " Mort à l'ambulance" dit un des documents officiels. Mort suite à "Blessures à l'ennemi" dit un autre. Et au milieu des formulaires officiels, un petit bout de papier tout replié, une écriture cahotique à moitié effacée avec des passages repris à la plume :




" Le 18 juin 1917
Monsieur,
Je viens de rejoindre le bataillon et j'ai demandé à ceux qui sont revenus de l'attaque du 17 avril 1917. Faure Felix a été blessé à l'épaule et à la tête. On l'a vu au poste de secours. Les majors n'ont rien dit sur son cas mais il était sérieusement blessé.Il a été évacué du poste de secours d'après l'infirmier. Depuis on n'a rien reçu de lui. Peut-être que vous avez de ses nouvelles. Je vous serre amicalement la main."



***

5 commentaires:

E. a dit…

C'est toujours tres emouvant ce genre de lettres. Mon pere a fait une compilation des cartes ecrites pendant la grande guerre par ses grands-peres (qui en sont revenus tous les 2,entiers je crois, ils ont eu plus de chance que Felix...). L'un des 2 a fait toute la bataille de Verdun, je ne sais plus combien de mois sans permission. Bourrees de fautes d'orthographe car ils savaient a peine lire et ecrire. Celui qui etait fermier demandait a sa femme des nouvelles des recoltes et donnait des conseils alors qu'il devait etre en train de vivre un enfer...
Une vraie boucherie et je ne dirais pas comme Brassens que "moi mon colon celle que j'préfère, c'est la guerre de 14-18..." :-(

Anonyme a dit…

Je suis venu lire ce billet à l'invite de "E". Merci à vous deux. Certains hommes vivent brièvement, mais leur temps passé sur cette terre, n'a pas encore fini de nous émouvoir. Maudite soit la guerre!

Missiz Jones a dit…

@E : Les cartes de Felix et le mot de celui qui a tenté d'avoir de ses nouvelles étaient aussi pleines de fautes( mais pas beaucoup plus que certains lycéens d'aujourd'hui !).Comme toi, je suis frappée par le décalage entre les cartes et la situation,mais au fond,parler de récoltes quant on est en enfer c'est une façon de s'échapper...
Merci pour ton message.

@Homosapiens : Merci pour la visite et le commentaire. Parmi les vieux papiers j'ai trouvé une carte de souscription à un groupe qui avait pour but de "supprimer ce crime : la guerre"...Est-ce le père de Félix (mobilisé lui aussi) qui s'est inscrit à son retour? Je ne sais pas...

Missiz Jones a dit…

@E : moi aussi je sais faire des fautes "quant" j'écris !!!

Anonyme a dit…

Ces petits mots de Felix sont merveilleusement tristes et decales.
Merci d'avoir donne cette jolie realite a mes pensees du 11.
Miss Flying