11 mai 2006

Pompéi, 4 mai 2006.

Tout a commencé par la silhouette fragile de ce vieux monsieur tout habillé de blanc, canotier sur la tête et canne à la main. Comme dans un film de Visconti. Comme dans "Mort à Venise". J'étais émue. La montée vers le site était très raide et il avançait relativement vite mais en chancelant légèrement . J'ai pensé au temps qui passe.




J'étais bien décidée à ne voir de Pompéi que le témoignage du passé, les restes d'architecture, le plan des rues, quelques fresques et objets rescapés. Je ne voulais pas voir les moulages des corps retrouvés. Le spectacle de la douleur, ce n'est pas pour moi. Je me suis donc méfiée en apercevant ça et là , dans des vitrines, la copie de ces corps torturés , bouche grande ouverte sur une dernière aspiration d'air empoisonné. Mais lui, m'attendait, par surprise, au milieu des poteries et statues protégées par des grilles. Parmi les films, photos, documentaires que j'ai pu voir sur Pompéi c'est cette image là qui m'a toujours le plus frappée. C'est cette image du désespoir qui m'a toujours le plus terrifiée.

Nous avons courageusement arpenté le site et, au soleil couchant, en revenant d'une Villa excentrée, "la villa des mystères", nous avons décidé d'ajouter à notre exploration une ou deux rues. Il y avait peu de monde, tout était silencieux, rien ne nous a alerté.
J'ai d'abord remarqué dans une ruelle deux hommes tournés vers le mur, téléphone portable à l'oreille et j'ai eu le temps de m'indigner sur la place prépondérante de ce satané objet, même là où il n'a rien à faire. Mais passé la ruelle, juste
après le mur de la maison suivante, il était là. Allongé sur le sol, ses pieds à 20 centimètres des miens. Un chute, j'ai pensé. Mais l'homme avait la chemise ouverte sur une longue cicatrice qui barrait son torse verticalement. Des personnes agenouillées auprés de lui semblaient s'affairer, j'étais déjà à dix pas de là, interloquée, certaine que c'était grave.

Un peu malgré nous, une demi heure plus tard, nous remontions la même rue menant vers la sortie. Deux ou trois uniformes, deux ou trois tenues de secouristes. J'avais du mal à avancer et ce n'était pas seulement à cause de la pente et de la fatigue. L'homme était à la même place. Il avait la couleur de la pierre, la couleur de la cendre . Sa femme, assise sur un muret, soutenue par, je l'espère, une amie, pleurait. Elle tenait la laisse d'un chien, couché sur le flanc, comme abattu.

Tout était silencieux. Nous avons peut-être parlé mais je ne m'en souviens plus. Je sais que nous avons pensé que c'était stupide de faire de telles visites quand on a subi une opération importante. Et puis nous avons pensé qu'il valait peut-être mieux mourir comme ça, vite, là, par une très belle journée,au cours d'un beau voyage.
A quelques mètres de la sortie, je l'ai vu. Mon dernier rendez-vous à Pompéi. Je l'ai dépassé et, alors que j' hésite toujours à photographier des inconnus, suis revenue sur mes pas, pour garder cette dernière image. Une consolation. Six, sept ou huit ans. Absorbé par la lecture d'un gros livre sérieux contrastant avec la posture et le pouce à la bouche. La jeunesse, la tendresse, le savoir, une réconfortante et belle image d'un avenir plein d'espoir.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup le derniere photo

Anonyme a dit…

L'émotion est touchante, l'émotion est palpable, je me suis vue dans cette ruelle, surtout pour moi aujourd'hui 11 mai où je vais accompagner une personne à sa dernière demeure -formule cliché, qui aujourd'hui à un sens bien réel- à Pompéi, la mort a joué avec plusieurs masques et celle de ces statues de pierre est particulièrement frappante.
Aujourd'hui jeudi 11 mai. Il fait très beau, pourquoi?
Miss Green

Missiz Jones a dit…

Je pense bien à toi. Bon courage Miss Green. Appelle quand tu voudras.

sborja1 a dit…

Très émue par ton billet, d'autant que le 11 ami, il y a 6 ans, papa nous a brutalement quitté lui aussi...